Loi influenceur définitivement adoptée: les principales dispositions

La proposition de loi influenceur a été définitivement adoptée. Focus sur les principales dispositions et les changements.

Tom Poivret - Magali Dorado

6/5/20236 min read

INTRODUCTION

Dans un monde où les réseaux sociaux et les plateformes en ligne jouent un rôle de plus en plus important, il est essentiel de s’interroger sur la régulation des activités des “influenceurs”. L’adoption de cette proposition de loi influenceur constitue une tentative significative de répondre à cette question en proposant des mesures visant à encadrer l’activité des influenceurs et à protéger les consommateurs.

En effet, au cours des dernières années, le nombre d’influenceurs a connu une croissance exponentielle. Ces derniers, grâce à leur présence en ligne et à leur capacité à influencer les comportements d’un large public, ont acquis une influence considérable dans la société.

Cependant, cet essor rapide soulève également des préoccupations quant à la transparence et à la responsabilité de leurs actions; notamment vis à vis des plus jeunes.

Si la grande majorité des influenceurs exerce leurs activités avec un réel professionnalisme et le respect de leur communauté; les pratiques très discutables d’une petite minorité d’entre eux ont amené à la rédaction de ce texte transpartisan.

Après avoir provoqué plusieurs débats, notamment lors de sa première lecture à l’Assemblée Nationale, la proposition de loi influenceur a été adopté définitivement le 1er juin 2023 par l’Assemblée Nationale.

Voir nos articles précédents pour un recap de l’historique de cette Loi:

Voyons ensemble les principales dispositions de ce texte :

  1. L’activité d’influence commerciale est désormais définie légalement et encadrée

  2. La transparence et l’honnêteté envers les abonnés sera de mise

  3. Les moyens de contrôle mis en place et les sanctions prévus permettent de présager

1. DEFINITION ET ENCADREMENT STRICTE DE L'INFLUENCE COMMERCIALE

La première disposition sur laquelle il convient de s’arrêter est la définition même de l’activité d’influenceur!

La proposition de loi aborde d’ailleurs différents acteurs de l’industrie; les influenceurs, y compris les mineurs, mais aussi les agents d’influenceurs et les plateformes qui hébergent leurs contenus.

Une définition précise des influenceurs est établie; ainsi toutes personnes qui « mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer » en ligne « des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque ».

Elle définit également l’activité des agents d’influenceurs, qui agissent comme intermédiaires entre les influenceurs et les marques.

Lorsque les influenceurs, leurs agents ou les annonceurs atteignent un certain seuil de rémunération ou d’avantages en nature (qui sera déterminé par décret), ils seront tenus de conclure des contrats écrits. Ces contrats devront inclure certaines clauses obligatoires, telles que les missions confiées, les conditions de rémunération et la soumission au droit français lorsqu’ils ciblent des abonnés en France.

Création d'un principe de responsabilité solidaire

En réponse aux nombreux abus dont on été victimes certains consommateurs, la proposition de loi établit un principe de responsabilité solidaire entre l’annonceur, l’influenceur et son agent. Ce principe a vocation a permettre et faciliter l’indemnisation des victimes en cas de fraudes.

De plus, les influenceurs résidant hors de l’Union européenne, comme à Dubaï par exemple, devront désigner un représentant légal dans l’UE et souscrire une assurance civile dans l’UE s’ils visent un public en France.

La protection des influenceurs mineurs

Des mesures spécifiques sont prévues pour protéger les enfants influenceurs. Désormais, le régime des enfants mannequin se verra applicable.

Les règles existantes sur le travail des enfants sur les plateformes de partage de vidéos, établies par la loi du 19 octobre 2020, sont étendues à toutes les plateformes en ligne, y compris les réseaux sociaux tels qu’Instagram, Snapchat ou TikTok. Les influenceurs mineurs sont désormais protégés par le code du travail, et leurs parents devront signer des contrats avec les annonceurs et conserver une part de leurs revenus consigné jusqu’à leur majorité.

2. L'INTERDICTION DE CERTAINES PUBLICITES ET UNE OBLIGATION DE TRANSPARENCE ENVERS LES ABONNES

La réglementation actuelle sur la publicité s’est avéré insuffisante pour encadrer et sanctionner les pratiques abusives et trompeuses de certains influenceurs peu scrupuleux. La proposition de loi, enrichie par les parlementaires, vise à remédier à cette situation en rappelant aux influenceurs l’importance de respecter les lois en matière de publicité et de promotion de produits et services, et en interdisant certaines formes de publicité problématiques.

Interdiction de certaines publicités

Interdiction de publicités spécifiques: La proposition de loi interdit les publicités faisant la promotion des éléments suivants :

  • Chirurgie et médecine esthétique

  • Certains produits et services financiers, notamment ceux liés aux crypto-monnaies

  • L’abstention thérapeutique

  • Les produits contenant de la nicotine

  • Abonnements à des conseils ou pronostics sportifs

  • Publicité impliquant des animaux sauvages, sauf en collaboration avec des zoos

  • Publicité pour les jeux d’argent et de hasard, avec une attention particulière à la protection des mineurs

  • Promotion d’inscriptions à des formations professionnelles, y compris via le compte personnel de formation (CPF)

Responsabilité des influenceurs et meilleure information des abonnés

Afin de faire cesser les nombreux abus; notamment les pratiques de “dropshipping”, la proposition de loi instaure un principe de responsabilité des influenceurs envers les acheteurs.

Ces derniers devront donc être vigilants concernant les produits dont ils font la promotion mais aussi des sociétés avec lesquels ils travaillent.

En outre, pour garantir une meilleure information des abonnés, les influenceurs devront clairement indiquer la mention « publicité » ou « collaboration commerciale » sur leurs contenus promotionnels.

Enfin, dans le but de protéger les jeunes viewers, les photos ou vidéos modifiées par des filtres ou créées à l’aide de l’intelligence artificielle devront être accompagnées de la mention « images retouchées » ou « images virtuelles ».

Obligations renforcées des plateformes

Toujours dans le but de protéger les consommateurs, les obligations des plateformes en ligne, telles que YouTube et TikTok, sont renforcées. Conformément au Digital Services Act (DSA), elles devront fournir un bouton de signalement des contenus illicites, donner la priorité au traitement des signalements émanant de sources fiables et retirer rapidement ces contenus.

3. MOYENS DE CONTRÔLE ET SANCTIONS

Toutes ces dispositions ont pour objectif de donner un cadre aux activités des influenceurs et de protéger les consommateurs. Afin de donner les moyens de réussite à ces mesures, il était important de prévoir les moyens de contrôle et de sanction adéquate.

La DGCCRF exercera un pouvoir de contrôle renforcée

La proposition de loi renforce les pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en matière d’astreintes et de mises en demeure à l’encontre des influenceurs.

D’ailleurs, le 24 mars 2023, c’est-à-dire pendant le processus législatif, le ministre de l’Economie a annoncé la création d’une brigade de 15 agents dédiés à la traque des mauvaises pratiques en matière d’influence commerciale.

Nous constatons d’ailleurs que le travail a déjà commencé puisque les mesures prises à l’encontre d’influenceurs soupçonnés de ne pas respecter la règlementation sont de plus en plus courantes (par exemple: injonction de la DGCCRF à l’encontre de Capucine Anav ou de Simon Castaldi).

Des sanctions lourdes à la hauteur de la visibilité des intéressés

Les influenceurs qui enfreindraient les interdictions ou obligations établies s’exposent à des sanctions sévères:

  • jusqu’à 2 ans d’emprisonnement,

  • une amende allant jusqu’à 300 000 euros dans certains cas,

  • une interdiction d’exercer leur activité.

Les réseaux sociaux devront mettre la main à la pâte

Les plateformes de médias sociaux et les sites internet devront collaborer avec les autorités compétentes pour garantir le respect des règles établies par la loi. Cette coopération est essentielle pour assurer une mise en œuvre efficace des mesures de régulation.

Les plateformes devront notamment faire en sorte de traiter les signalement de contenus illicites le plus rapidement possible et supprimer les-dits contenus tout aussi rapidement.

EN BREF

La proposition de loi, issue d’un texte transpartisan, portée par des parlementaires de différents partis politiques et adoptée finalement à l’unanimité montre bien une volonté partagée par tous de mettre fin à des abus insupportables en encadrant ces nouvelles activités.

Ce texte représente une avancée majeure en établissant des règles claires et en imposant des obligations aux influenceurs mais aussi à leurs agents et aux plateformes de diffusion de leurs contenus.

Au delà de la régulation d’un secteur nouveau, l’objectif est clairement de protéger les consommateurs, en particulier les mineurs, et à promouvoir un environnement en ligne plus transparent et responsable.

Nous attendons désormais la promulgation de la Loi qui devrait intervenir dans les 15 jours et la publication du Décret qui doit déterminer le seuil de rémunération ou d’avantages en nature rendant obligatoire l’établissement d’un contrat écrit.

Ressources complémentaires à consulter

Nos articles précédents:

Guide de bonnes pratiques: influenceurs et créateurs de contenus ici.