INTRODUCTION
L’Assemblée Nationale vient d’adopter en première lecture la très attendue proposition de loi transpartisane visant à “encadrer l’influence commerciale et lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux” à l’issue de débats étonnamment cordiaux. Le but de cette loi est principalement de protéger les consommateurs face aux dérives de cette activité.
Le texte porté par les députés Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta, s’est donné pour mission de définir ce métier. Sans trancher définitivement le débat sur la terminologie à retenir pour qualifier cette nouvelle profession, le législateur a préféré retenir la notion d’ “activité d’influence commerciale par voie électronique” qui se veut plus englobante. Notons que la proposition de loi initiale retenait le terme d’influenceur, qui fut amendé plus tard dans les débats de la commission des affaires économiques au profit de la notion d’activité d’influence commerciale.
Revenons sur les dispositions importantes de cette proposition de loi.
I. LA DÉFINITION DE L’ACTIVITÉ D’INFLUENCE COMMERCIALE
Premièrement, l’assemblée a voté la définition suivante pour qualifier l’activité d’influence commerciale :Les personnes physiques ou morales qui mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique.Il en ressort 3 critères principaux pour qualifier l’activité d’influence commerciale par voie électronique :
- La mobilisation de la notoriété ;
- La promotion, directe ou indirecte, de biens, de services ou d’une cause quelconque ;
- Une contrepartie pouvant être un bénéfice économique ou un avantage en nature.
II. LES INTERDICTIONS ET OBLIGATIONS D’INFORMATION RELATIVES À LA PROMOTION DE CERTAINS BIENS ET SERVICES
Dans un second temps, les députés se sont attachés à lister les différents produits faisant l’objet d’une interdiction de promotion par les personnes exerçant l’activité d’influence commerciale. La volonté affichée ici par les rapporteurs est d’assurer que les lois et règles qui s’appliquent aux canaux publicitaires traditionnels s’appliquent à l’activité d’influence commerciale. Pour commencer, un amendement proposé par la majorité parlementaire a été adopté, venant ainsi rappeler que le respect de la loi EVIN s’applique aux influenceurs. Partant, en sus de l’encadrement de la promotion de l’alcool déjà prévue dans le texte initial, cet amendement ajoute l’interdiction de la promotion du tabac et du vapotage. Bien que le droit positif interdisait déjà la promotion de ces produits sur les réseaux sociaux, les députés de la majorité ont estimé que le rappel était nécessaire. Par ailleurs, certains députés déplorent que la proposition ne soit pas allée plus loin que la loi EVIN en ne retenant pas l’interdiction pure et simple de la promotion de l’alcool. Ensuite, le texte retient l’interdiction de la promotion des actes, procédés, techniques et méthodes de chirurgie et de médecine esthétique. Plus controversée, l’interdiction de la promotion des produits et services financiers, et plus spécifiquement l’interdiction de la promotion des actifs numériques qui n’ont pas reçu l’agrément PSAN (prestataire de services sur actifs numériques). Nombreux sont ceux pleurant la fin des actifs numériques en France à la suite de cet amendement, notamment parce qu’aucun prestataire d’actif numérique n’a encore reçu cet agrément. Monsieur le rapporteur Stéphane Vojetta justifie son amendement en précisant que “la qualification juridique et la définition d’un cadre de régulation pour les NFT sont des sujets complexes qui sont en cours d’approfondissement”. Il rappelle sur Twitter que le texte voté n’est pas une réponse définitive et admet que “la solution actuelle n’est probablement pas totalement adaptée aux spécificités du secteur des cryptoactifs”. Il a appelé Bercy à proposer des alternatives afin de les intégrer dans le texte. Le dialogue est ouvert. En outre, là où le texte initial prévoyait, pour la promotion de jeux d’argent et de hasard, un simple bandeau d’information indiquant que ces jeux sont réservés aux personnes majeures. Un amendement proposé par les députés socialistes est venu resserrer la vis en précisant qu’il sera possible de faire la promotion des jeux d’argent et de hasard “uniquement sur les plateformes en ligne offrant la possibilité technique d’exclure de l’audience dudit contenu tous les utilisateurs âgés de moins de dix-huit ans et si ce mécanisme d’exclusion est effectivement activé”. Un amendement a également introduit une obligation d’insérer dans le contrat de promotion entre l’influenceur et l’opérateur une clause par laquelle l’influenceur atteste avoir pris connaissance des lois et règlements relatives aux jeux d’argent et de hasard, afin de les responsabiliser et de prévenir les pratiques illicites. Certains déplorent qu’une interdiction pure et simple n’ait pas été retenue. Par ailleurs, certains députés ont tenté, en vain, d’introduire l’encadrement et l’interdiction de la promotion de produits trop sucrés et trop salés. Les députés socialistes ont tout de même réussi à intégrer un article 2CA interdisant aux “enfants influenceurs” (moins de seize ans), la promotion de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés, puisque leur public est sensiblement d’âge identique. Finalement, s’agissant des obligations d’information, l’utilisation de filtres doit être indiquée par la mention “images retouchées” et la promotion de denrées, produits alimentaires, manufacturés ou non et boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse devra être accompagnée d’un nouveau label sur le modèle du Nutri-Score qui sera précisé par un arrêté.III. L’ACTIVITÉ D’AGENT D’INFLUENCEUR
La proposition de loi définie l’activité d’agent d’influenceur comme suit :L’activité d’agent d’influenceur consiste, à titre onéreux, à représenter ou à mettre en relation les personnes physiques ou morales exerçant l’activité définie à l’article 1er avec des personnes physiques ou morales sollicitant leur service, dans le but de promouvoir des biens, des services, des pratiques ou une cause quelconque.Cette définition tout à fait classique s’accompagne de la double obligation de conclure un contrat entre l’influenceur et son agent ainsi qu’entre l’influenceur et les annonceurs. Dans un souci de simplification, cette obligation ne s’impose qu’aux contrats dont la valeur dépasse un certain seuil. Ainsi, les accords à faible enjeu économique ne sont pas concernés par cette obligation. Il est également imposé un certain nombre de mentions obligatoires sous peine de nullité du contrat, parmi lesquels on retrouve l’identification des parties, la nature des missions confiées, la valeur de la contrepartie et les modalités de son attribution, les droits et obligations des parties, et la soumission du contrat au droit français lorsque le contrat a pour objet ou effet une activité d’influence commerciale visant principalement le public sur le territoire français. On peut s’interroger sur la pertinence de cette dernière mention en ce qu’imposer la loi applicable à un contrat contreviendrait au principe fondamental de la liberté contractuelle. Le but de cette mention est d’étendre l’application de cette loi aux influenceurs domiciliés à l’étranger. Bien que cette extension soit absolument nécessaire et souhaitable, la maladresse de l’écriture de cet article peut être soulignée. Il aurait été plus simple d’ériger cette loi en loi de police en affirmant son caractère d’ordre public ou bien en imposant son application à tout contrat visant le public français, plutôt que d’imposer la totalité du droit français à ces contrats en citant plus précisément l’application du code de la propriété intellectuelle et du code de la consommation, dont un certain nombre de règles de ce dernier sont déjà des lois de police. Cela étant dit, il convient de souligner la volonté d’appliquer le droit français à ceux qui souhaitent le fuir. Finalement, notons la suppression de l’obligation d’avoir un représentant légal en Europe pour les influenceurs à l’étranger au profit de l’obligation de souscription à une assurance civile (pour réparer les victimes) dans l’UE lorsque l’activité vise, même accessoirement, le territoire français. Ainsi, les influenceurs ne seront jamais à l’abri des conséquences de leurs actes sur le territoire français où qu’ils soient ! Cette proposition de loi est louable et très prometteuse. Certains critiqueront son caractère redondant en ce qu’elle ne serait qu’un rappel de lois déjà existantes. Nous préférons voir en celle-ci l’opportunité de définir un métier méconnu du droit positif et de rappeler noir sur blanc que les règles imposées aux canaux publicitaires traditionnels s’appliquent également à l’activité d’influence commerciale. Attendons de voir ce qu’en pense le Sénat.
EN BREF
La proposition de loi visant à “encadrer l’influence commerciale et lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux” a été adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale.
Ce texte s’attache à définir la notion d’activité d’influence commerciale et à imposer un certain nombre d’interdictions et d’obligations d’informations aux personnes exerçant cette activité.
Le texte doit encore être voté par le Sénat avant d’être adopté.


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Magali DORADO
Juriste Propriété Intellectuelle et Esport
CEO de GAME AND RULES : Première plateforme juridique 100% Esport et Gaming.