[INTERVIEW] Député Christophe NAEGELEN : Sa proposition de loi Esport
Le député Christophe NAEGELEN a accepté de répondre aux questions de l’équipe GAME AND RULES à propos de la proposition de loi visant un développement sain et responsable de la pratique de l’e-sport en France.
Le député Christophe NAEGELEN a accepté de répondre aux questions de l’équipe GAME AND RULES à propos de la proposition de loi visant un développement sain et responsable de la pratique de l’e-sport en France.
Elle vise à la reconnaissance du statut de haut niveau des joueurs de jeux vidéo pratiquant leur discipline de manière professionnelle, suivant deux axes :
« inscription des e‑sportifs aux côtés des acteurs qui participent au rayonnement de la Nation et à la promotion des valeurs du sport ».
« création, à l’image de ce qui existe pour le sport, de listes des joueurs de jeux vidéo de haut niveau et des joueurs Espoirs par le ministre du Sport en commun avec le ministre chargé du Numérique, sur proposition des fédérations responsables telles que France e‑sport ».
Cette proposition de loi a été déposée à l’Assemblée Nationale le 20 septembre 2021 par le député UDI de la 3e circonscription des Vosges (et ancien pratiquant de boxe).
Nos questions à M. le député CHRISTOPHE NAEGELEN
GAME AND RULES. – Monsieur le Député, tout d’abord l’équipe GAME AND RULES vous remercie d’avoir accepté de vous prêter à cette interview.
L’on peut constater que l’anglicisme E-sport (littéralement « sport électronique ») est entré dans le dictionnaire Larousse mais n’est pas utilisé par le législateur dans les textes. Depuis la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, seule l’expression de « compétitions de jeux vidéo » est employée. Est-ce pour respecter la loi du 4 août 1994, dit loi Toubon, relative à l’emploi de la langue française ?
Christophe NAEGELEN. – Tout à fait. Il bien est normal que les parlementaires utilisent la langue française et non des termes et expressions anglaises.
GAME AND RULES. – Il est tout à votre honneur de vouloir encadrer et accompagner les joueurs professionnels d’Esport dont le statut a été reconnu par l’article 102-I de la loi de 2016. Cela étant, ne craignez-vous pas que certains acteurs de l’Esport ne se sentent stigmatisés par le choix du titre de votre proposition de loi visant un E-sport « sain et responsable » ?
Christophe NAEGELEN. – Bien au contraire, le but de la proposition de loi est d’aboutir à une reconnaissance des joueurs de jeux vidéo de haut niveau et de protéger les jeunes générations. En effet, de nombreux joueurs mineurs sont en difficulté ou en décrochage scolaire du fait d’un non encadrement, il faut donc créer un cadre comme pour les autres sports.
GAME AND RULES. – Pourriez-vous nous parler de l’historique de votre proposition de loi ?
Christophe NAEGELEN. – Je suis un pratiquant de boxe et je m’entraine encore de 4 à 6 heures par semaine. Je joue peu aux jeux vidéo même s’il m’arrive de jouer à Tekken, PES (NDLR : désormais eFootball) ou Super Mario.
En revanche, je suis un député de terrain et je rencontre régulièrement des jeunes qui participent à des compétitions de jeux vidéo, qui m’ont évoqué ce sujet. Les parents aussi, d’ailleurs, sont concernés.
GAME AND RULES. – Dans son ensemble, le secteur Esport souffre de ne pas être suffisamment pris en compte par les pouvoirs publics. Ainsi, il ne bénéficie par exemple d’aucun ministère qui lui est dédié ni d’aucun budget spécifique, contrairement au sport par exemple. Pourtant, il existe actuellement 7,8 millions de consommateurs ou pratiquants Esport en France (baromètre Esport 2020), chiffre qui devrait continuer à croître.
Ne pensez-vous qu’il faille affecter au Esport une structure étatique dédiée pour une meilleure structuration ?
Christophe NAEGELEN. – Je pense que l’Esport devrait être rattaché au ministère chargé des Sports car il ne cesse de se développer. Il faut avoir une vision pragmatique et « vivre avec son temps ».
L’Esport est un également un outil de rayonnement culturel. Il faudrait avoir des équipes françaises qui puissent participer aux compétitions internationales sous le drapeau de notre pays.
Pour cela, il faudrait une structure fédérale Esport à l’image des fédérations sportives locales, départementales, régionales et nationales.
GAME AND RULES. – Les principales dispositions de la loi de 2016 concernant les compétitions des jeux vidéo ont été codifiées dans le Code de la sécurité intérieure. En revanche, votre proposition de loi propose une modification de certains articles du Code de l’éducation et du Code du sport pour intégrer les joueurs de jeux vidéo.
Cela signe-il un rapprochement plus officiel avec le secteur sportif, ses valeurs et son fonctionnement ?
Christophe NAEGELEN. – L’Esport est l’équivalent d’un sport comme la boxe ou le golf. En effet, la pratique du jeu vidéo de haut niveau nécessite des performances qui mobilisent, comme pour le sport, des capacités physiques et mentales. Sport et Esport requièrent finalement les mêmes niveaux d’entraînement et exposent, de la même façon, les pratiquants à d’éventuelles blessures (articulations, nuque…)
GAME AND RULES. – Aux termes du nouvel article L 221-2-1 A qu’il est suggéré d’ajouter au Code du sport, « Le ministre chargé des sports et le ministre chargé du numérique arrêtent, au vu des propositions des fédérations, la liste des joueurs de haut niveau ou Espoirs dans les compétitions de jeux vidéo ». Or, il n’existe encore aucune Fédération française Esport (du moins correspondant au sens donné aux fédérations sportives par l’article L 131-1 et suivants du Code du sport) pouvant donner un avis sur le sujet. Dès lors, sur quels définition et critères cette liste de joueurs de jeu vidéo sera-t-elle fondée ?
Christophe NAEGELEN. – Il appartient effectivement au secteur Esport de se fédérer, soit en créant une Fédération française d’Esport, soit en transformant l’association France Esports et en l’adaptant pour qu’elle puisse répondre aux critères légaux d’une Fédération. La liste des joueurs pourra ensuite être établie.
GAME AND RULES. – Concernant la volonté d’aménagement du temps scolaire des joueurs de jeu vidéo, elle répond à une réelle nécessité. Cela étant, il manque une véritable filière de formation Esport des joueurs mais aussi des encadrants. Qu’en pensez-vous ?
Christophe NAEGELEN. – Il faudrait effectivement créer une filière Esport dans certains établissements scolaires. En comparaison, il existe bien des sections sportives dans les collèges et lycées (anciennement section « sport-étude »).
GAME AND RULES. – Votre proposition de loi s’inscrit-elle dans le cadre de la stratégie nationale Esport 2020-2025 portée par le Ministre du numérique, Cédric O et la Ministre des sports, Roxana Maracineanu ?
Christophe NAEGELEN. – Oui tout à fait. Cette stratégie devra se concrétiser via un « investissement » de la part du Ministère des Sports.
GAME AND RULES. – L’Esport connaît encore de nombreux vides juridiques, notamment en termes d’encadrement des compétitions en ligne mais aussi de l’activité de coach, team manager, administrateur (NDLR : arbitre), caster (NDLR : commentateur) ou encore d’agent de joueur de jeux vidéo. Des avancées législatives sont-elles prévues ?
Christophe NAEGELEN. – Naturellement, il faut poursuivre le travail législatif, notamment par la création d’une Fédération d’Esport et une responsabilisation des éditeurs de jeux vidéo. Ceux-ci devront abandonner leurs droits dans le cadre de compétitions nationales, régionales, départementales et locales. Il y va d’ailleurs de leur intérêt s’ils veulent accroître les ventes de leurs jeux.
On pourrait même imaginer des accords de cession de licences entre les éditeurs de jeux et la ou les futures Fédérations d’Esport, qui pourraient inclure les autorités de l’Etat.
GAME AND RULES. – Monsieur le Député, merci de nous avoir accordé cet échange.