Fiscalité et Esport: les organisateurs d’évènements
La législation ne prévoit pas encore de régime fiscal particulier concernant l’événementiel Esport. Par conséquent, ce sont les règles fiscales de droit commun qui s’appliquent.
La législation ne prévoit pas encore de régime fiscal particulier concernant l’événementiel Esport. Par conséquent, ce sont les règles fiscales de droit commun qui s’appliquent.
Faisons donc un point sur le régime général d’imposition applicable aux organisateurs d’évènements Esport.
Le régime d'imposition de l'organisateur Esport
L’article L 121-1 du Code de commerce précise que « Sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».
Les profits générés par l’activité commerciale d’organisateur d’évènements sont donc potentiellement imposables.
Lorsque l’organisateur est constitué sous forme d’association, il se trouve assujetti aux impôts commerciaux lorsque:
la gestion associative n’est pas désintéressée (rémunération des dirigeants au delà de certains seuils, distribution de bénéfices…)
ou que l’activité associative concurrence le secteur commercial. La démarche de l’administration fiscale figure dans l’instruction fiscale n° 208 du 18 décembre 2006.
Cette concurrence est avérée lorsque l’association exerce son activité dans des conditions similaires à celles d’une entreprise par :
le « produit » proposé,
le « public » visé,
les « prix » pratiqués
et la « publicité » réalisée
En principe, les associations qui organisent des compétitions locales conservent un but non lucratif. Elles échappent donc à l’impôt.
Source : R. Salles et J. Durain, Rapport concernant la pratique compétitive du jeu vidéo (e-sport) de juin 2016, p. 53
Il en va de même des associations dont l’activité lucrative est accessoire et génère des recettes inférieures à un certain seuil. Celui-ci a été fixé à 72 000 € jusqu’en 2022.
Il appartient donc à l’organisateur associatif d’examiner les conditions de ses activités pour déterminer s’il est imposable ou non aux impôts commerciaux
(Impôt sur les bénéfices, TVA, CET. Code général des impôts, article 1447-0)
Dès lors que l’organisateur est soumis à l’impôt, il a l’obligation de tenir une comptabilité conforme et d’établir des comptes annuels (bilan, compte de résultat, annexe).
Les catégories d'imposition de l'organisateur Esport
Les sources de financement de l’organisateur Esport sont variées. Elles proviennent essentiellement des revenus suivant :
ticketing (prix d’entrée et d’inscription),
sponsoring,
merchandising,
publicité,
droits médias,
dons des spectateurs,
aides et subventions publiques…
Il s’agit d’autant de recettes qui entrent dans le résultat imposable de l’entreprise ou de l’association.
Penchons nous sur les principaux impôts et taxes susceptibles de s’appliquer à l’organisateur Esport.
L'impôt sur les bénéfices
Les sociétés de capitaux (SA, SAS, SARL..) et les associations (non exonérées) sont soumises à l’impôt sur les sociétés « IS » Code général des impôts, article 206-1
Quant aux entrepreneurs individuels et aux sociétés de personnes (EURL, SNC…), ils sont assujettis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC).
Quelque soit son statut (à l’exception du micro-entrepreneur), l’organisateur peut déduire, sous certaines conditions les charges de son résultat fiscal Code général des impôts, article 39
Ainsi, l’organisateur peut comptabiliser en charges le montant des gains de compétition (cashprize). Deux situations sont à distinguer selon la qualité du bénéficiaire de ces gains :
Lorsque le bénéficiaire ne dispose pas d’un statut de professionnel, l’organisateur doit vérifier l’identité du bénéficiaire et obtenir de sa part un récépissé lors du versement des fonds, afin de prouver la réalité de la charge qu’il constate lors du versement.
Lorsque le bénéficiaire dispose du statut de professionnel, l’organisateur doit obtenir une facture de la part de ce bénéficiaire.
Pour sa part, la mission parlementaire Esport menée en 2016 a demandé une clarification, par voie d’instruction fiscale, du statut des gains et cachets obtenus lors de la participation à des compétitions de jeux vidéo.
Source : Rudy Salles, Jérôme Durain : Rapport concernant la pratique compétitive du jeu vidéo (e-sport) de juin 2016, p. 53
LA TVA ET DROITS DE MUTATION
Sur les droits d’entrée
Il faut rappeler que les compétitions physiques (LAN) peuvent donner au paiement de « droits d’entrée » au titre de l’inscription des joueurs et de l’entrée des spectateurs.
En revanche, concernant les compétitions online, seuls des frais d’accès à internet et le coût éventuel d’acquisition du jeu vidéo servant de support à la compétition peuvent être répercutés sur les participants.
Les droits d’entrée payés par les joueurs sont soumis à la TVA au taux normal, soit 20 % Source : Code général des impôts, articles 256 et 278.
Ce régime est calqué sur celui des droits d’entrée des compétiteurs de manifestations sportives.
Faute d’indication contraire, le taux de TVA de 20 % s’applique également aux droits d’entrée des spectateurs.
Sur les gains de compétition
Les prix et lots remis aux joueurs ne sont pas soumis à la TVA et ce, quel que soit le statut de l’organisateur.
En effet, les sommes qui n’ont pas de lien direct avec la fourniture d’une prestation de services sont hors du champ d’application de la TVA.
Sur les dons des spectateurs
Les spectateurs peuvent effectuer des dons notamment pour encourager leur équipe Esport ou leurs streamers favoris ou bien en échange de services liés à retransmission sur internet des compétitions par le diffuseur (accès à des vidéos bonus, dédicaces…).
La fiscalité applicable à ces dons n’a pas encore été précisée. S’ils entrent dans le bénéfice imposable de l’organisateur, la question de leur imposition à la TVA et aux droits de mutation à titre gratuit reste entière.
De façon générale, les transactions financières qualifiées de dons sont imposables à la TVA lorsqu’elles rémunèrent en réalité un service et qu’elles permettent au donateur d’obtenir un « avantage individualisé et non symbolique ou dérisoire ».
Tel pourrait être le cas de sommes versées en contrepartie de publicité ou de parrainage tels que :
des dons versés dans le cadre du parrainage de joueurs qui s’engagent à certaines obligations (utilisation d’un nom, d’un logo, de certains équipements…) moyennant un versement monétaire
ou l’octroi de biens ou services.
En revanche, les dons qui sont effectués à titre purement libéral ne sont pas soumis à TVA mais pourraient se voir assujettis aux droits de mutation à titre gratuit à un taux de 60%. Ce taux étant très élevé, la mission parlementaire Esport a suggéré que l’administration fiscale définisse une notion se rapprochant de celle de « présent d’usage ». Cela permettrait ainsi d’exclure les donations proportionnées aux moyens du donateur du champ de cette taxation.
Concernant la fiscalité applicable aux dons à des entreprises, elle reste à préciser quant aux conditions d’application de la TVA et des droits de mutation à titre gratuit.
LA CET (CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE)
La CET est composée d’une cotisation foncière des entreprises et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Aux termes de l’article 1447 du Code général des impôts, elle est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d’un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée.
Cependant, la CET n’est pas due par les associations dont :
la gestion est désintéressée,
les activités non lucratives restent significativement prépondérantes
le montant des recettes d’exploitation encaissées au cours de l’année civile au titre de leurs activités lucratives n’excède pas 72 000 €.
L'ABSCENCE DE CONTRIBUTION SUR LES RETRANSMISSIONS
La cession de droits de diffusion de manifestations ou compétitions sportives à un opérateur de télécommunication ou télévision est soumise à une contribution d’un taux de 5%. Code général des impôts, article 302 bis ZE.
L’administration fiscale entend par « manifestation ou compétition sportive », tout événement sportif organisé, agréé ou autorisé par une fédération sportive, ayant reçu agrément du ministre chargé des sports.
Dans la mesure où l’Esport n’est pas reconnu comme un sport traditionnel et ne dispose pas de fédération, il semble que cette contribution n’ait pas vocation à s’appliquer.
EN BREF
Aucun régime fiscal spécifique ne régit les manifestations Esportives. Par conséquent, les dispositions fiscales existantes ne sont pas toujours favorables ou adaptées à l’Esport.
En outre, il existe parfois un flou qui peut être préjudiciable aux organisateurs.
Cela étant, tout contribuable qui éprouverait un doute sur sa situation fiscale ou l’interprétation de règles fiscales peut interroger l’administration fiscale. Il s’agit de la procédure de « rescrit fiscal ». Livre des procédures fiscales, article L 80 A
Avant de demander un rescrit, il est judicieux de consulter les rescrits déjà publiés pour vérifier si sa question n’a pas déjà été traitée.