Esport & Santé : la santé et sécurité des joueurs
Les Esportifs sont confrontés à un certain nombre de pathologies physiques et psychiques fréquentes. Les cyber-athlètes salariés bénéficient d’un droit du travail protecteur. L’employeur doit donc être très vigilant sur ces problématiques, car il y va de sa responsabilité.
Les Esportifs sont confrontés à un certain nombre de pathologies physiques et psychiques fréquentes.
Les cyber-athlètes salariés bénéficient d’un droit du travail protecteur. L’employeur doit donc être très vigilant sur ces problématiques, car il y va de sa responsabilité.
Le cadre général
Tout employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs Source : Code du travail, articles L 4121-1 et suivants
Les mesures de protection du salarié comprennent :
des actions de prévention des risques professionnels,
des actions d’information et de formation
et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Elles doivent être adaptées pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Tous les salariés doivent bénéficier des dispositions protectrices du Code du travail, y compris donc les Esportifs employés en contrat de travail.
Les contraintes spécifiques de l'activité Esportive
Le joueur professionnel salarié de jeu vidéo compétitif est défini par l’article 102 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique comme:
« toute personne ayant pour activité rémunérée la participation à des compétitions de jeu vidéo dans un lien de subordination juridique avec une association ou une société bénéficiant d’un agrément du ministre chargé du numérique, précisé par voie réglementaire »
La réglementation est stricte concernant en particulier les travailleurs qui utilisent de façon habituelle et pendant une partie non négligeable du temps de travail des équipements de travail comportant des écrans de visualisation.
La pratique compétitive du jeu vidéo nécessitant une utilisation prolongée d’un écran d’ordinateur ou de console, elle peut entrainer certains troubles de la santé, physiques mais aussi mentaux :
troubles articulaires,
troubles musculo-squelettiques (TMS) et notamment le syndrome du canal carpien qui touche la main et le poignet,
stress,
burn-out,
troubles digestifs,
fatigue visuelle,
addiction.
La presse se fait régulièrement l’écho de blessures affectant les joueurs Esport, qui entraînent parfois la suspension de l’activité voire l’arrêt d’une carrière et une « mise à la retraite » anticipée.
A titre d’exemples, ont peut citer les cas suivants :
le joueur français de CSGO, Richard Papillon alias « Shox » a été opéré d’un kyste au poignet droit en 2018, ce qui l’a éloigné de la compétition pendant un certain temps.
le joueur italien Thomas Paparatto alias « ZooMaa », blessé à la main, a dû cesser son activité à l’âge de 25 ans seulement après 8 ans de carrière suite à une blessure du pouce.
le joueur français Damien «HyP» Souville, membre des Paris Eternal, a décidé de quitter l’Overwatch League pour des motifs de santé (notamment de stress).
Ainsi, l’employeur de joueurs professionnels Esport doivent mettre en place un véritable plan d’actions de prévention des risques professionnels.
Les mesures préventives et correctives
L’employeur doit, sous peine de sanction pénale, dresser un inventaire des risques identifiés pour la sécurité et la santé des travailleurs et transcrire les résultats dans un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
Il doit ensuite mettre en oeuvre les mesures appropriées pour remédier aux risques constatés :
Interruption périodique du travail sur écran
Pour prévenir tout symptôme d’astreinte visuelle et de fatigue posturale, l’employeur doit prévoir soit des pauses périodiques spécifiques qui s’ajoutent aux pauses traditionnelles, soit des changements d’activité qui réduisent la charge du travail sur écran.
Suivi médical
Avant d’être affectés à des travaux sur écran, les salariés doivent faire l’objet d’un examen préalable et approprié des yeux et de la vue par le médecin du travail et le cas échant, par un ophtalmologiste. Cet examen peut également avoir lieu si le joueur se plaint de troubles liés au travail sur écran.
Il peut arriver qu’une correction s’avère nécessaire mais qu’un dispositif de correction normal ne permette pas l’exécution du travail sur écran dans de bonnes conditions. Dans ce cas, le salarié doit bénéficier d’un dispositif de correction spécial en rapport avec le travail concerné. Ce dispositif est alors à la charge financière de l’employeur.
Équipements et ambiance physique au travail
Le poste et les outils de travail doivent être aménagés selon des principes ergonomiques précisés par la loi. Par exemple, le siège de gaming doit être adaptable en hauteur et en inclinaison pour prendre en compte les caractéristiques anatomiques et physiologiques du gamer.
En outre, l’environnement de travail doit être confortable notamment en termes de température, de qualité de l’air et de bruit.
Information et formation des Esportifs
Les cyber-athlètes doivent être informés et formés sur les modalités d’utilisation de l’écran et de l’équipement de travail. Cela peut consister en la participation à des formations sur la santé et à la sécurité au travail ainsi que sur la présence d’un affichage sur les lieux de travail.
Les responsabilités et sanctions encourus
Pour couvrir les risques d’accidents du travail et les maladies professionnelles, tout employeur doit s’acquitter d’une cotisation d’accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP).
En cas de manquement à son obligation de sécurité qui est une obligation de résultat, et si l’employeur est reconnu responsable, les conséquences peuvent être lourdes tant sur le plan pénal que civil :
SUR LE PLAN PÉNAL
Des sanctions pénales peuvent s’appliquer tant à la personne morale (société ou association) qu’au dirigeant personne physique au titre de son obligation personnelle d’assurer la sécurité physique et morale de ses joueurs salariés.
L’employeur peut être passible d’amende mais également de peine d’emprisonnement dans les cas les plus graves.
SUR LE PLAN CIVIL
1/ Droit de retrait du gamer
S’il constate qu’un danger grave et imminent est susceptible d’attenter à sa vie ou à sa santé, il appartient au joueur de réagir. Il doit donc alerter son employeur et peut se retirer et quitter son poste.
Dans le cas où le gamer peut prouver l’existence d’un motif raisonnable de retrait, il ne risque aucune sanction ni retenue de salaire.
Le joueur concerné pourrait également prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
2/ Faute Inexcusable
Constitue une faute inexcusable tout manquement de l’employeur à son obligation de sécurité attachée au contrat de travail. Cela signifie que sa responsabilité peut être engagée s’il n’a pas pris les mesures de prévention ou de protection nécessaires pour préserver son employé alors qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé.
L’employeur est tenu non seulement de mettre à disposition de ses salariés les dispositifs de sécurité et protection imposés par la loi ou les règlements mais également de leur en imposer l’usage (via notamment des compagnes d’information et de formation).
La faute inexcusable est reconnue automatiquement lorsque le risque qui s’est matérialisé avait été préalablement signalé.
Les assurances
Aux termes de l’article L452-4 du Code de la sécurité sociale, l’auteur de la faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci.
Cet auteur peut être condamné à indemniser le salarié et prendre en charge des dommages non couverts par la sécurité sociale :
majoration de rente ou de capital avec paiement d’une cotisation supplémentaire
dommages et intérêts pour préjudices personnels et professionnels subis.
Cependant, l’employeur peut s’assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu’il s’est substitués dans la direction de l’entreprise ou de l’établissement.
Cela étant, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable d’un employeur garanti par une assurance à ce titre, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) peut imposer à l’employeur une cotisation supplémentaire.
Le produit de cette cotisation est affecté au fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
EN BREF
Le domaine des jeux vidéo et de l’Esport n’échappe pas à l’application stricte et exigeante du droit de la santé et de la sécurité au travail qui bénéficie à tous ses salariés, qu’ils soient joueurs ou membres du staff.
Il appartient aux employeurs de se préoccuper de ces problématiques en adoptant des mesures préventives et correctrices, pour se prémunir contre toute mise en cause de leur responsabilité.
Ils ont également intérêt à s’assurer contre les risques professionnels encourus par leurs salariés, d’autant que les soucis de santé ne sont pas rares et peuvent entrainer des préjudices importants.