Droit et Esport : l’état des lieux
Durant des mois de recherches et de travail, nous avons échangé avec différents acteurs du secteur, joueurs pro ou amateurs, présidents d’associations, dirigeants de sociétés, organisateurs d’évènements, managers de talents, équipementiers…
Durant des mois de recherches et de travail, nous avons échangé avec différents acteurs du secteur, joueurs pro ou amateurs, présidents d’associations, dirigeants de sociétés, organisateurs d’évènements, managers de talents, équipementiers…
Voici notre constat du paysage juridique esportif français :
Droit et Esport : La Loi de 2016 ET LA RECONNAISSANCE DE l'ESPORT
L’histoire du droit de l’Esport commence en 2016 c’est-à-dire assez tardivement par rapport à l’émergence du mouvement Esport en France.
En 2016, le législateur s’empare de la question de l’Esport sous l’égide de Jérôme Durain, sénateur de Saône-et-Loire, et de Rudy Salles, député des Alpes Maritimes, qui remettent un rapport sur la pratique compétitive des jeux vidéo (esport).
Découlera de ce rapport plusieurs dispositions dédiées, au sein de la Loi pour une République numérique de 2016.
L’article 101 de cette loi n’offre pas de définition de l’Esport en lui-même mais vient qualifier la compétition Esport : « une compétition de jeux vidéo confronte, à partir d’un jeu vidéo, au moins deux joueurs ou équipes de joueurs pour un score et une victoire« .
L’article 102 pose, lui, un cadre légal pour la pratique esportive à un niveau professionnel et définit le joueur professionnel: « Toute personne ayant pour activité rémunérée la participation à des compétitions de jeu vidéo dans un lien de subordination juridique avec une association ou une société bénéficiant d’un agrément du ministre chargé du numérique […] ».
Le décret n° 2017-872 du 9 mai 2017 vient encadrer ces joueurs professionnels grâce au droit du travail et transpose le contrat de travail à durée déterminée spécifique en matière sportive (Loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015 ) au bénéfice des joueurs Esport.
Nous voyons donc que cette Loi de 2016 est venue légiférer sur des points importants pour le secteur :
en reconnaissant la légalité des compétitions Esportives, autrefois classées dans la catégorie des jeux de hasard,
en posant un cadre légal à la pratique de cette activité au niveau professionnel et en créant un CDD spécifique Esport.
Un point, pourtant essentiel, n’a cependant pas été traité par cette Loi : la reconnaissance de l’Esport en tant que sport. Et la position constante sur ce point laisse à penser que cette reconnaissance n’est pas pour aujourd’hui.
DROIT ET ESPORT : EN PRATIQUE
Juridiquement, le droit de l’Esport en est à ses balbutiements. Comme nous l’avons vu, à peine quelques dispositions législatives régissent un secteur économique entier.
Pour compléter le canevas, il faut donc aller chercher du côté du droit commun: droit des contrats, droit du travail, droit de la propriété intellectuelle, droit fiscal, droit des assurances etc…
Cependant, les spécificités de l’Esport font que, de facto, le droit commun atteint rapidement ses limites et se retrouve inadapté, voir inapplicable. Pire, il y a une grande part de vide juridique laissant les différents acteurs dans une insécurité flagrante.
Aujourd’hui, le droit de l’Esport se compose donc de très peu de dispositions spécifiques qui sont en réalité inadaptées et inappliquées. Dispositions spécifiques qui sont complétées par un droit commun qui lui aussi voit ses limites rapidement atteintes.
Parmi les sujets les plus brûlants et qui réclament une évolution législative significative, nous pouvons lister ceux-ci:
les contrats de joueurs ; le CDD Esport dans sa forme actuelle se heurte à de nombreux écueils qui le rendent malheureusement difficile à mettre en œuvre (horaires de travail règlementaires inadaptés, durée du CDD problématique, charges sociales trop lourdes etc…)
la question des visas pour permettre à des joueurs étrangers d’être recrutés plus facilement par les Team française; cette question est un enjeu de premier ordre pour la compétitivité de nos Team française sur un plan international.
la qualification des compétitions en ligne qui reste aujourd’hui dans la catégorie « jeux d’argent et de hasard »; imposant aux organisateurs de nombreuses contraintes. Les professionnels du secteur appellent de leur vœux une modification rapide de la loi sur ce point.
la question des droits de diffusion des compétitions Esport, vaste débat aussi bien parmi les professionnels du droit que parmi les professionnels du secteur, les éditeurs en première ligne.
le droit à l’image des Esportifs; l’Esport ne pouvant être juridiquement qualifié de sport, les cyber-athlètes ne bénéficient pas des dispositions protectrices en matière de droit à l’image du Code du sport et c’est bien dommage.
la reconnaissance de l’Esport comme une discipline d’intérêt général au même titre que le sport. Cette reconnaissance claire permettrait aux nombreuses associations Esportives de gagner en sérénité dans leur gestion (notamment fiscale) et de prétendre à plus de possibilités de financement public.
La reconnaissance pure et simple de l’Esport comme un sport; cette qualification juridique permettrait de résoudre un certain nombre de points juridiques bloquants. Il s’agit là cependant d’un débat de fond qui doit cependant être remis sur la table.
Droit et Esport : Évolutions et travaux en cours
Comme indiqué plus haut, le travail législatif reste important pour aboutir à un cadre légal prenant en compte tous les aspects de l’Esport.
Depuis 2016, le travail ne s’est pas arrêté ; bien au contraire, la Loi pour une République Numérique a été le point de départ de nombreuses réflexions et initiatives.
Notons d’abord la création de l’Association France Esport en 2016 et qui a engagé depuis sa création un travail de fond en optant pour une concertation des différents acteurs du secteur.
En 2018, Monsieur Denis Masséglia député de Maine-et-Loire, reprend le flambeau et crée un groupe de travail sur l’Esport au sein de l’Assemblée Nationale à l’origine d’un certain nombre de conclusions sous forme de propositions de recommandations.
Ces 16 propositions s’articulent autour de trois grands thèmes:
l’Esport professionnel et notamment les difficultés posées par le CDD Esport et la nécessité de faire évoluer ce statut,
la question de la structuration de l’Esport amateur qui représente la très grande majorité de la pratique Esportive française,
la gouvernance de l’Esport français et la question du rôle de l’association France Esport dans le développement et la structuration de l’Esport français.
Ce travail législatif se poursuit comme nous l’avons vu récemment. Le Sénat a notamment adopté un amendement au projet de Loi de finance rectificative 2020 portant le taux de TVA applicable à la billetterie des évènement Esport à 5.5% au lieu de 20% actuellement. Malheureusement, l’Assemblée Nationale n’a pas conservé cet amendement, le taux restera donc pour l’instant de 20%.
Cependant, cela nous prouve que l’évolution législative de l’Esport reste à l’ordre du jour politique et ce n’est que de bonne augure pour le futur.
Petite aparté: notons que cette baisse de TVA aurait permis aux évènement Esport de se voir appliqué le même taux de TVA que les évènements sportifs; encore un indice de l’intérêt et de la pertinence de calquer le modèle juridique esportif sur celui du sport.
Notons enfin l’apparition de nouveaux acteurs qui s’investissent sur le sujet.
Level 256, incubateur de start up Esport, entend s’emparer du sujet et ouvrir le débat juridique. Le thème de la première session du Club Level 259 était d’ailleurs consacré à « L’encadrement juridique de l’Esport« .
Notons que les acteurs de l’Esport amateur commencent à s’organiser autour d’une Fédération des Associations Esportives de France et de FRANCE ESPORTS. Nous ne pouvons que saluer cette initiative à laquelle GAME AND RULES a volontiers adhéré.
Evidemment GAME AND RULES s’engage sur le sujet en offrant aux acteurs de l’Esport des solutions d’accompagnements juridiques spécifiques.