Comment protéger mon pseudo ?

Autrefois utilisé pour se cacher, le pseudonyme fait aujourd’hui partie intégrante de notre identité. Mais quels sont vos droits et comment le choisir ?

Magali Dorado

10/5/20217 min read

Autrefois utilisé pour se cacher, le pseudonyme fait aujourd’hui partie intégrante de notre identité. Mais quels sont vos droits et comment le choisir ? Comment protéger votre pseudo et ainsi votre identité ? Comment faire de votre pseudonyme un véritable atout pour votre carrière et pour votre business ? Faisons ensemble un tour d’horizon de la législation applicable en la matière


GAME AND RULES
et aAa Gaming collaborent à compter d’aujourd’hui pour vous proposer chaque mois des articles abordant des sujets juridiques concernant l’Esport.

Fondé en 2000, aAa Gaming est un club esport qui a marqué toute une génération de joueurs en remportant d’innombrables titres de champions. En 2004 la structure poursuit son développement avec un site internet proposant depuis un suivi complet de l’actualité esportive. Acteur historique du secteur, Team aAa est ainsi devenu au fil des années un média référence et un expert reconnu du milieu.

L’article a été publié sur le site d’aAa Gaming le 3 octobre 2021.

Dans le domaine des jeux vidéo, et de la vie numérique en général, un pseudonyme est souvent obligatoire. Il remplace d’ailleurs souvent l’identifiant, notamment sur les plateformes de jeux. Il est nécessaire pour accéder aux services en ligne mais aussi pour protéger sa vie privée.

Le choix du pseudo est d’ailleurs primordial et il convient de le choisir soigneusement comme nous le verrons.

« Squeezie », « Gotaga », « Dooms », « KennyS », « Shox », « Michou », « Andilex », « SuperAkouma », « Kamet0″…, la liste est longue. Les gamers et streamers sont, pour la grande majorité, connus uniquement sous leurs pseudo.

Il devient alors la seule identité connue d’une personne et prend le pas sur son état civil. Le pseudonyme est alors objet de convoitise. La tentation est grande pour des tiers de l’utiliser frauduleusement ; l’usurpation d’identité est courante notamment sur les réseaux sociaux.

Enfin, le pseudo peut même devenir un élément d’identité, un véritable actif immatériel ayant une valeur certaine. Il convient alors non seulement de le protéger mais aussi de travailler sur cette valeur.

Le pseudonyme : un élément de la personnalité

Si aucun statut juridique spécifique n’est prévu pour le pseudonyme, celui-ci est protégé au titre du droit de la personnalité.

Droits fondamentaux et inaliénables, les droits de la personnalité sont ceux qui garantissent à un individu la protection des attributs de sa personnalité (nom, image, voix etc…) et de son intégrité morale.

A ce titre, le pseudonyme devient la propriété de celui qui l’utilise dès lors que, suite à un usage prolongé et notoire, il devient pour le public l’identité même de son propriétaire. Le pseudonyme s’incorpore alors complètement à son identité et à sa personnalité.

Il faut donc noter que seuls les pseudonymes jouissant d’une notoriété certaine et établie sont concernés.

L’importance du statut juridique du pseudonyme entraine a fortiori certaines contraintes à prendre en compte lors de son choix :

  • le pseudonyme ne doit porter atteinte ni à l’ordre public ni aux bonnes mœurs. Evitez donc insultes, propos subversifs et autres images de style de mauvais goût.

  • le pseudonyme ne doit pas porter atteinte à des droits antérieurs, tels qu’une marque enregistrée ou un usage antérieur de ce même pseudonyme par une autre personne.

Les pseudonymes destinés à rester privés ne sont pas soumis avec la même force à ces obligations. Cependant, si vous avez l’ambition de vous faire connaître au monde sous un pseudonyme, peu importe votre impact réel, le bon sens sera votre meilleur allié pour vous aider dans votre choix.

Si vous avez besoin d’aide pour sécuriser le choix de votre pseudonyme, faites appel à un professionnel pour vous guider.

La protection du pseudonyme

Nous rappelons que seuls les pseudonymes devenus notoires sont ici concernés.

Le reconnaissance du pseudonyme comme une propriété permet donc de s’en prévaloir et de mener des actions de protection.

Cela permet :

  • de lutter contre l’usurpation d’identité et

  • d’interdire l’usage de son pseudonyme à un tiers.

Lutter contre l'usurpation d'identité

L’usurpation d’identité est un fléau de la vie numérique. Il est effectivement aisé de choisir un pseudonyme identique ou ressemblant à un pseudo notoire. Il n’existe en effet aucun contrôle lors du choix d’un pseudo.

Cependant, il existe un moyen de réagir face à l’utilisation de votre pseudonyme par un tiers.

Selon l’article 226-4-1 du code pénal, le délit d’usurpation d’identité est constitué dès lors que:

  • un élément de la personnalité d’un tiers est utilisé (le pseudo faisant partie des éléments de la personnalité),

  • le but recherché est de porter atteinte au titulaire du pseudonyme ou à autrui.

L’alinéa 2 précise que le délit peut être commis « sur un réseau de communication au public en ligne », créant ainsi le délit « d’usurpation d’identité numérique ». Cela comprend notamment les emails, les sites web, les messages publiés en ligne et les profils sur les réseaux sociaux.

Quelles sont vos voies d’actions possibles ?

Si votre pseudonyme est utilisé pour se faire passer pour vous ET dans un but malveillant, il faut réagir rapidement :

  • réunir des preuves de l’infraction en enregistrant les URL des sites concernés et en effectuant des captures d’écran des éléments. Vous pouvez faire appel à un huissier pour établir un constat ou opter pour un outil digital,

  • demander l’identité de l’auteur de l’infraction auprès du fournisseur d’hébergement du site concerné,

  • contacter les administrateurs des sites concernés pour faire supprimer les contenus litigieux (attention seulement après avoir récolté les preuves de l’infraction),

  • déposer une plainte pour « usurpation d’identité numérique » au commissariat ou par courrier auprès du procureur ou du juge d’instruction.

La sanction est d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (75.000 € lorsque l’auteur de l’infraction est une personne morale).

Interdire l'usage de son pseudonyme

L’usage du pseudonyme par un tiers n’est pas forcément constitutif d’un délit d’usurpation d’identité. Il n’en demeure pas moins que le titulaire peut contrôler son usage, voire l’interdire.

Selon l’article l’article L. 711-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, le propriétaire d’un pseudonyme peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque. A condition que la marque reproduise son pseudo de façon à créer une confusion dans l’esprit des consommateurs.

Il pourra aussi s’opposer à ce que son pseudonyme soit utilisé par un tiers, y compris les porteurs d’un nom de famille semblable dans le cas d’un usage concurrentiel. Ainsi, les titulaires d’un nom de famille qui ont laissé le pseudonyme homonyme se développer sans agir, ne peuvent plus ni l’utiliser, ni agir pour empêcher l’usage du pseudonyme.

Il s’agit ici d’action en annulation, contrefaçon et concurrence déloyale découlant de la reconnaissance par le Code de la Propriété Intellectuelle du pseudonyme comme un droit opposable à un actif immatériel.

Le pendant de cette reconnaissance est la nécessité de vérifier si le pseudonyme porte atteinte à une marque, un nom commercial ou un autre pseudonyme antérieur ; sous peine de s’exposer aux mêmes actions.

Comment capitaliser sur votre pseudo?

Comme nous l’avons vu, un pseudo devenu notoire représente l’identité même de son titulaire. Il revêt donc une importance capitale pour le public, les fans mais aussi pour les éventuels partenaires et sponsors.

Il peut être opportun de mettre en place des outils de surveillance et d’alerte pour se prémunir d’une utilisation frauduleuse de son pseudonyme.

Mais si surveiller l’usage de son pseudonyme est important, sa protection est primordiale.

Comme nous l’avons vu, le pseudonyme jouit d’une protection sans formalisme en tant que droit de la personnalité.

Cependant, un mécanisme simple permet d’accroître sa protection et dans le même temps de faire de son pseudo un capital à part entière: il s’agit du dépôt de marque.

Déposer son pseudonyme à titre de marque permet à son titulaire de renforcer ses droits et de créer un actif immatériel lui permettant de valoriser son pseudo.

Le titulaire d’une marque peut :

  • apposer/utiliser sa marque sur des produits ou services,

  • empêcher un tiers d’utiliser sa marque pour des produits ou services similaires sans avoir besoin de prouver une volonté de nuire (contrairement au délit d’usurpation d’identité)

  • concéder à un tiers le droit d’utiliser sa marque moyennant une rémunération grâce à un contrat de licence

  • céder sa marque, le cas échéant.

Le dépôt d’une marque s’inscrit dans une véritable stratégie de protection, de valorisation et de développement d’une activité marketing et commerciale autour du pseudonyme.

EN BREF

Le pseudonyme est un attribut de la personnalité protégé et qui constitue un actif immatériel d’importance capitale pour son propriétaire.

Il existe de nombreux modes de protection et fondements légaux permettant d’agir pour sa protection : délit d’usurpation d’identité, opposition au dépôt ou action en annulation d’une marque déposée, action en contrefaçon et concurrence déloyale.

Enfin, le pseudo peut s’inscrire au cœur d’une stratégie permettant à son titulaire de capitaliser en créant un droit de marque supplémentaire pouvant permettre l’utilisation de la marque pour des produits ou des services commercialisables, concéder des licences ou même céder sa marque.